- SURPOPULATION
- SURPOPULATIONLe concept de «surpopulation» est un de ceux qui s’évanouissent quand on veut en préciser le sens. Surpeuplement s’oppose à sous-peuplement , et du rapport de ces deux possibilités pour un même pays résulte le concept d’optimum de population (qui désigne l’état le plus favorable de celle-ci). En essayant de préciser ce qu’il faut entendre par surpopulation, on est donc passé subrepticement d’une notion qui semblait se situer sur le terrain solide de l’arithmétique à un concept qui fait appel au monde des valeurs. Peut-on considérer que telle quantité de population est plus favorable que telle autre? La réponse à cette question dépend du critère utilisé. Un pays qui veut réaliser le maximum de puissance ne cherchera pas à atteindre la même population que celui qui veut obtenir le meilleur emploi de ses ressources naturelles. Mais, même si l’on choisit de définir l’optimum de population en se plaçant dans un domaine bien particulier, celui des ressources naturelles par exemple, le résultat dépendra beaucoup des systèmes économiques et sociaux où vivent les individus. Il dépendra aussi de l’aptitude des individus à envisager ces questions et, enfin, du niveau de la technologie.1. Situation différente selon les nationsLe problème de la surpopulation peut être éclairé par plusieurs exemples.C’est ainsi que la Libye, avec 1 500 000 habitants vivant presque tous de l’agriculture, répartis sur 1 760 000 km2, soit moins de 1 habitant au kilomètre carré, pouvait être considérée comme un pays «surpeuplé» en 1960. En effet, avec un revenu annuel moyen par habitant de 100 dollars, on ne pouvait pas dire que les Libyens utilisaient au mieux leurs ressources naturelles. Celles-ci apparaissaient peu importantes, et la situation des Libyens aurait été meilleure s’ils avaient été moins nombreux. La découverte de gisements de pétrole a radicalement changé la situation. Le revenu annuel moyen par habitant étant en 1968 égal à 1 500 dollars, la Libye devenait sous-peuplée. Il convient de remarquer que le résultat atteint suppose que la technologie de l’heure utilise le pétrole. Sinon la découverte de ces gisements n’aurait eu aucun effet et la Libye serait demeurée surpeuplée.En 1920, un tiers de la population des États-Unis d’Amérique vivait dans les grandes agglomérations urbaines. Le poids des ordures ménagères par habitant et par jour était de 1,250 kg. En 1970, 75 p. 100 de la population vivait dans les centres urbains, et le poids moyen quotidien des ordures ménagères était passé à 2,250 kg. On prévoyait à cette date 3,600 kg en 1980, 6 kg à la fin du siècle, alors que 90 p. 100 des Américains vivraient dans les villes. De ce seul point de vue de l’accumulation des ordures ménagères, les États-Unis peuvent sans doute considérer qu’ils sont en train de devenir un pays surpeuplé. Les ordures ménagères ne sont prises ici que comme un exemple. En fait, si surpeuplement il y a, c’est le mode de vie urbain qui en est responsable, après avoir été, d’ailleurs, dans une phase antérieure, un facteur favorisant l’accroissement de la population. L’urbanisation, en effet, a permis l’industrialisation du pays. Avec 200 millions d’agriculteurs, les États-Unis seraient un pays surpeuplé. Comptant en 1970 150 millions d’urbains et 50 millions de ruraux, ils sont peut-être en dessous de l’optimum de population. Mais si ces 150 millions d’habitants, à cause de leurs activités économiques, bouleversent l’écosystème où ils vivent, ils se trouveront vite trop nombreux.On voit que la solution des problèmes posés par ce surpeuplement n’est pas d’ordre démographique. Ce n’est pas en arrêtant la croissance de leur population que les Américains résoudront les difficultés nées de la pollution dans la vie urbaine. Tout au plus les solutions seront-elles un peu plus faciles à trouver dans une population stationnaire que dans une population croissante, mais les vrais problèmes sont ailleurs. C’est le mode de vie qu’il faut modifier.Si la France était un pays vide qu’il faille peupler, on serait sans doute amené à y installer moins de 50 millions d’habitants. Un peu sur le modèle de l’Australie, on trouverait des villes importantes sur le pourtour, avec de nombreuses régions intérieures inoccupées. Le niveau de vie moyen serait sans doute plus élevé qu’il n’est actuellement. De ce point de vue, on peut donc penser que la France de 1970, ayant un peuplement bien différent, est un pays surpeuplé. Mais ce n’est là qu’une vue de l’esprit dépourvue de toute portée pratique. C’est la France telle que deux mille ans d’histoire l’ont façonnée qu’il faut considérer. Grâce aux conditions économiques et sociales du passé et à l’évolution de la technologie, le territoire a été occupé inégalement certes, mais dans sa totalité. Une population de plus de 50 millions permettrait une meilleure utilisation des ressources naturelles de la France qui, compte tenu du passé, apparaît aujourd’hui sous-peuplée.2. Un problème aux dimensions planétairesPassant de l’histoire des peuples à l’histoire de la Terre, on trouverait facilement de nombreux exemples d’évolution géologique qui ont modifié radicalement les conditions de peuplement. L’Asie, à l’époque des grandes glaciations, a certainement bénéficié d’un climat favorable qui a permis un fort accroissement de population. Le recul des glaces a modifié le climat de ces régions et en a fait les plus surpeuplées du monde. Le Sahara a pu nourrir jadis une population importante; il est aujourd’hui surpeuplé avec seulement quelques tribus nomades.Les progrès de l’agronomie ont des effets du même ordre. Ils ont permis, à partir des années 1950, de sélectionner des variétés de graines d’un haut rendement à l’hectare. On a parfois qualifié ces progrès de «révolution verte». L’accroissement des disponibilités alimentaires a modifié l’idée qu’on se faisait du surpeuplement. En terme de calories, bien des pays considérés naguère comme surpeuplés ne le sont plus aujourd’hui. Selon Michel Cépède, président indépendant de la F.A.O. (Food and Agricultural Organization) de 1969 à 1973, une quinzaine de pays du Tiers Monde comptant environ 400 millions d’habitants ont passé le cap entre 1950 et 1970, des 2 500 calories par jour et par personne. Une quinzaine d’autres pays, représentant 250 millions d’habitants, vont franchir ce cap dans un proche avenir. On dira donc, si l’on adopte ce critère, que la sous-nutrition calorique engendre le surpeuplement. Cependant, la malnutrition protéique n’a pas beaucoup évolué, et cela malgré les progrès spectaculaires réalisés par la science et la technique dans ce domaine. Du point de vue de la consommation des protéines, les 30 pays dont on vient de parler sont encore surpeuplés. Mais, comme on le disait pour les États-Unis, les problèmes liés à ce surpeuplement ne seront pas résolus en diminuant la population. C’est une mauvaise organisation du monde qui fait que ces pays n’arrivent pas à profiter des possibilités que leur offre maintenant la science dans la production et la consommation des protéines. Pour affronter la situation, il faudrait entre autres que ces pays changent leurs habitudes alimentaires, et par conséquent bien des aspects de leur vie sociale. Tout cela demande du temps. Mais déjà, après la révolution verte, une révolution des protéines est en marche; quand celle-ci aura fait sentir ses effets, les idées acquises en matière de surpopulation devront être de nouveau révisées.3. Incertitude de l’avenir lointainOn objectera que les développements précédents valent pour le passé et tout au plus pour le présent et le proche avenir. Mais, qu’en est-il de l’avenir plus lointain? Tant que les taux d’accroissement des populations humaines étaient modestes, des changements de climat, des progrès scientifiques, des découvertes de ressources naturelles nouvelles pouvaient modifier radicalement la position des pays au regard du sous-peuplement ou du surpeuplement. Mais les taux que l’humanité connaît, depuis que les progrès de la médecine et de l’hygiène publiques ont abaissé la mortalité, n’ont-ils pas modifié la situation à un point tel que le monde est inéluctablement voué au surpeuplement, sinon dans l’immédiat, du moins dans un avenir peu lointain? Le concept de «surpopulation» prend alors un sens ontologique évident. C’est de la survie de l’espèce qu’il s’agit maintenant et non plus d’une utilisation plus ou moins bonne des ressources naturelles.Extrapolation de la situation actuellePour tenter de répondre à la question ainsi posée, on utilisera les calculs perspectifs effectués par l’Organisation des Nations unies. Il n’est pas facile de faire des perspectives de population à long terme. On admet généralement que les populations évoluent suivant le schéma de transition démographique. Ce schéma se déroule en quatre phases. Dans la première, la natalité et la mortalité sont élevées et se font à peu près équilibre, l’accroissement de la population est faible. la deuxième phase est caractérisée par la baisse de la mortalité, la fécondité restant à son niveau élevé. Il en résulte de forts accroissements de la population. Cette deuxième phase a souvent été qualifiée d’explosion démographique. Dans la troisième phase, la fécondité se met à son tour à diminuer et l’accroissement de la population se ralentit. Dans la quatrième phase, enfin, la mortalité et la natalité se stabilisent et s’équilibrent à nouveau mais à un niveau beaucoup plus bas que dans la première phase. Seuls les pays développés ont, jusqu’ici, traversé les quatre phases. Les pays en voie de développement sont restés longtemps dans la deuxième phase, celle des forts accroissements de population. Mais, au cours des années 1960, ils sont à leur tour entrés résolument dans la troisième phase. Ils le font à des degrés divers et il subsiste en particulier une roche dure qui résiste à la baisse de la fécondité. Cette population qui hésite encore à s’engager dans la transition démographique est constituée d’abord par tout le continent africain. Il faut y ajouter le Bangladesh, le Pakistan, l’Iran, le Népal, le Bhoutan et enfin les pays arabes producteurs de pétrole. À l’opposé, on trouve la Chine qui, grâce à une politique vigoureuse, a réussi à faire baisser sa natalité de moitié en trente ans. En 1985, la population mondiale se répartissait comme il est indiqué dans le tableau 1 entre les quatre catégories considérées.Pour les trois premiers groupes, il est relativement facile, en extrapolant les courbes de fécondité, de déterminer l’époque où ils atteindront le seuil de renouvellement de la population. C’est évidemment plus difficile pour le quatrième groupe dans lequel aucun signe de baisse de la fécondité ne s’est encore manifesté. Assez arbitrairement, l’Organisation des Nations unies a adopté l’année 2040. Une fois le seuil de renouvellement atteint, la fécondité est supposée demeurer invariable. Pour la mortalité, l’Organisation des Nations unies suppose que la baisse continuera jusqu’à ce que le meilleur niveau actuel soit atteint par tous les pays. Cela revient à plafonner à soixante-quinze ans l’espérance de vie à la naissance.Une fois ces hypothèses posées, le calcul des perspectives ne pose plus de problèmes. Le tableau 1 donne pour les quatre groupes les niveaux de stabilisation qui seraient atteints vers la fin du XXIe siècle.Qu’en est-il du surpeuplement de ces divers pays? Il ne semble pas que l’accroissement de la population pose de grands problèmes aux pays développés et à la Chine. Pour les pays qui sont actuellement engagés dans la troisième phase de la transition démographique, les problèmes soulevés pour l’accroissement de la population ne paraissent pas non plus insurmontables. Certes, le mode de vie urbain qui sera, selon toute probabilité, celui des 7 milliards d’habitants de ces trois groupes de pays posera des problèmes analogues à ceux que redoutent les États-Unis d’Amérique à brève échéance. Mais la solution de ces problèmes, on l’a dit, n’est pas d’ordre démographique et ce n’est pas 1 ou 2 milliards d’habitants de moins qui régleront les difficultés.La situation des pays du quatrième groupe est de loin la plus sérieuse. Une multiplication par 4,8 de leur population actuelle risque d’entraîner des cas de surpeuplement certain. Il faudra de toute évidence que la solidarité internationale joue à plein pour éviter des catastrophes. En termes de population, les grandes puissances seront, à la fin du XXIe siècle, assez différentes de ce qu’elles sont actuellement. Le tableau 2 donne les onze pays les plus peuplés à la fin du XXIe siècle. Le cas du Nigeria avec 670 habitants au kilomètre carré, soit près de deux fois plus que les Pays-Bas en 1965, est particulièrement frappant. C’est aussi le cas de l’Éthiopie qui voit sa population multipliée par plus de six.La baisse de la mortalité aux âges élevésLa baisse imminente de la mortalité aux âges élevés que nous annoncent les spécialistes en biologie du vieillissement pourrait de plus amener à réviser en hausse ces perspectives. Si, comme l’espèrent les gérontologues, une espérance de vie de cent ans était atteinte, il faudrait majorer de 33 p. 100 les niveaux de stabilisation. Certains se demanderont s’il y aura assez de terre pour nourrir tant de monde. En réalité, les moyens techniques permettant de résoudre les problèmes alimentaires de l’humanité sont déjà disponibles: c’est une agriculture sans terre. Il est aujourd’hui plus économique, en terme d’énergie, de faire travailler les microorganismes que les paysans. Les animaux bénéficient déjà largement de cette technique, et si l’homme est resté en dehors c’est que les moyens classiques ont jusqu’ici suffi. Mais, si le Nigeria devait réellement compter près d’un milliard d’habitants – et le Nigeria n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres pays –, il faudrait avoir recours à ces techniques. Ce n’est donc pas la terre qui limite la production alimentaire, c’est l’énergie et là nous n’avons guère de souci à nous faire. Au XXIe siècle, la fusion de l’hydrogène sera une réalité. La difficulté est ailleurs. Ces 33 p. 100 d’habitants supplémentaires, que la baisse de la mortalité risque d’apporter, seront tous des gens âgés. Dans une population stationnaire, où l’espérance de vie à la naissance est de cent ans, il n’est pas pensable de cesser de travailler à soixante ans, voire à soixante-dix ans. C’est donc une nouvelle société qu’il va nous falloir inventer, et les changements sociaux et culturels sont infiniment plus difficiles à accepter que les modifications de la technique.• 1910; de sur- et population♦ Géogr. Population trop nombreuse par rapport à l'accroissement de la production, ou par rapport aux capacités d'accueil. ⇒ surpeuplement. Surpopulation résultant de la surnatalité, d'une immigration massive. Surpopulation carcérale.surpopulationn. f. GEOGR Population excessive relativement aux possibilités économiques.⇒SURPOPULATION, subst. fém.A. — DÉMOGR. Excédent de population dans une aire et pendant un temps déterminé, par rapport aux moyens de subsistance, état qui en résulte. Synon. surpeuplement. Machiavel considère certes que le grand nombre des hommes fait la force de l'état, mais admet la possibilité d'une surpopulation et la nécessité d'un exutoire colonial (Hist. sc., 1957, p. 1603).B. — BIOL. Densité excessive d'animaux d'une espèce donnée dans un territoire, par rapport aux ressources en oxygène, en nourriture, etc. La surpopulation, rare en milieu naturel, est souvent provoquée dans des conditions artificielles de laboratoire (Biol. t. 2 1970).REM. Surpopuleux, -euse, adj. Qui est surpeuplé. Vous, grandes cités surpopuleuses, ports débordants, vous (...) petites villes aisées, propres, bien peintes et bien dessinées (GIDE, Journal, Feuillets, 1918, p. 667).Prononc.:[
]. Étymol. et Hist. 1901 (P. LOUIS, in R. blanche, n° 184, 1er févr., p. 166 ds QUEM. DDL t. 34). Formé de sur- et de population. Bbg. DUB. Dér. 1962, p. 33. — QUEM. DDL t. 7, 13.
surpopulation [syʀpɔpylɑsjɔ̃] n. f.❖♦ Géogr. Population trop nombreuse par rapport à l'accroissement de la production. ⇒ Surpeuplement. || Surpopulation résultant de la surnatalité, d'une immigration massive.0 (…) la surpopulation, c'est-à-dire le fait que l'expansion démographique devance et dépasse la production, explique la misère des classes pauvres au temps de Marx, comme elle l'explique aujourd'hui dans les pays sous-développés.Gaston Bouthoul, Sociologie de la politique, p. 62.
Encyclopédie Universelle. 2012.